Compte rendu : 7e Assises de la Vente "Sous le regard du client"

7èmes Assises de la VenteLes 7èmes Assises de la Vente ont été organisées par l'ISEOR et l'IAE de Lyon les Jeudi 31 Janvier et vendredi 1er février sur le thème : « Sous le regard du client : les clés pour comprendre les mutations de la fonction commerciale dans les organisations ».

Les Assises de la Vente sont bâties sur l'hypothèse que la connaissance la plus féconde en sciences de gestion nait de l'interaction entre chercheurs et entreprises. Depuis 7 années, ce colloque permet à des managers et des cadres d'entreprise de témoigner et de débattre avec des chercheurs et des enseignants chercheurs, sur un thème lié à la Vente. Après la question du management en 2000, la formation au savoir faire commercial en 2001, la confrontation-coopération entre acheteurs et vendeurs en 2002, l'éthique dans le commerce en 2004, le lieu de vente en 2005, et le management de la diversité en 2006, cette 7ème édition se centre sur les mutations de la Vente, à la fois comme fonction des organisations et comme discipline de recherche.

31 janvier - Matinée

Les travaux du jeudi 31 Janvier sont parrainés par trois grandes associations académiques : l'AFM, l'AGRH et l'AFC, une association professionnelles les DCF (Dirigeants Commerciaux de France) et organisée conjointement par l'ISEOR et l'IAE de Lyon. L'objectif est de faire un point sur la recherche en Vente en 2008 dans le monde francophone et de réfléchir à ses perspectives de développement.

Plus de 100 personnes sont présentes pour écouter 26 communications et deux tables rondes consacrée l'une à la l' « invention d'un champ de recherche » et la seconde aux attentes des entreprises vis-à-vis des chercheurs.

L'introduction des journées est assurée par le professeur Henri Savall, directeur de l'ISEOR qui montre toute l'importance que peut avoir la recherche en Vente considérée comme un des axes de recherche prioritaires de l'ISEOR. Isabelle Barth, coordonatrice des Assises de la Vente, présente le programme des deux journées et souligne la dimension « carrefour » de l'édition 2008 puisque, pour la première fois, il y coïncidence de la journée de recherche sur la Vente, qui se tient annuellement depuis plusieurs années,(avec plusieurs éditions à Montpellier et une à Paris), et la journée d'échanges avec les professionnels.

Le colloque commence par trois communications plénières qui donne le « la » de cette mutation (ou maturation) de la recherche en Vente.

Fanny Poujol, Maître de Conférence de Valenciennes, LARIME, Chercheur-Associé à l'INSEEC Paris propose une réflexion sur le rôle des comportements relationnels des commerciaux dans la GRC, car si chercheurs et praticiens s'accordent sur l'importance de la Gestion de la Relation Client (GRC), force est de constater que les pratiques de la force de vente sont souvent éloignées de ce discours. Les vendeurs ont encore bien souvent une orientation vente plutôt qu'une orientation client. Fanny Poujol nous livre une revue de la littérature sur l'interface vendeur-client et met ainsi en avant le rôle joué par le vendeur dans la gestion de la relation client.

Pascal Brassier, Enseignant-chercheur au Groupe ESC Clermont, chercheur au CRCGM, propose ensuite les premiers résultats d'une étude permettant de proposer les réseaux sociaux comme de nouveaux outils de management des ventes. Pascal Brassier nous rappelle que l'acteur commercial est un acteur-frontière entre l'environnement et son organisation et que sa performance est en lien avec sa capacité à générer et à exploiter les liens qu'il tisse avec ses nombreux interlocuteurs. Cette recherche permet de souligner l'apport des notions de capital social et de réseaux sociaux pour l'activité commerciale. Admettons que les réseaux sociaux sont un outil intuitivement employé depuis longtemps par ces professionnels, il reste  à poser un certain nombre de questions à visée opérationnelle, sur la manière dont le commercial construit, développe et exploite son « portefeuille relationnel ».

Laurent Cappelletti, Maître de Conférences HDR, à l'IAE de Lyon et chercheur à l'ISEOR, dresse un double constat à partir d'une revue de la littérature en contrôle de gestion : l'appropriation par les commerciaux d'outils de contrôle de gestion n'est pas mécanique, et le contrôle de gestion peut souffrir d'un manque d'intégration de la part des fonctions commerciales. Pour apporter des éléments de réponse à cette problématique, Laurent Cappelletti exploite une recherche-intervention qui a consisté à intégrer un modèle de contrôle de gestion socio-économique au sein d'une fonction commerciale d'une entreprise de 800 personnes entre 2003 et 2005.

 

La matinée se poursuit avec une table ronde intitulée : "L'invention d'un champ de recherche en sciences de gestion : le cas de la Vente" et animée par Michèle Bergadaà, Professeure, HEC Genève.  Michelle Bergadaà propose 4 thèmes de réflexion :

- Est-ce de "bon ton" de faire une thèse sur la Vente ?

- N'y a-t-il pas rupture épistémique entre la recherche sur "les vendeurs" et la recherche sur "la Vente" ?

- S'est-il produit un glissement des enjeux, du à l'avènement du web, du CRM et de la mondialisation ?

- L'entreprise, le monde économique, ont-ils besoin (encore) de doctorants et de recherche en marketing ?

En propos liminaire au débat, Christophe Fournier, Professeur à l'Université Montpellier 2, chercheur au CREGO et Stéphane Ganassali, Maître de Conférence à l'Université de Savoie et chercheur à l'IREGE livrent le tout premier « état des thèses en Vente depuis 1992 ». Ce travail s'inscrit dans la lignée des travaux de Des Garets et Hamelin (en 2004), il s'appuie sur l'analyse textuelle des résumés des 36 thèses recensées sur la période. Une comparaison entre les champs abordés dans ces recherches doctorales et ceux traités dans la revue de référence (Journal of Personal Selling and Sales Management) a également été conduite. Un questionnaire administré auprès des docteurs ayant conduit une thèse en vente permet de mieux connaitre leur profil, leurs motivations et freins ainsi que sur leur vision actuelle des recherches menées sur cette thématique «vente».

Thierry Nobre, Professeur à l'EM Strasbourg, chercheur au CESAG et membre de l'AFC fait état de la quasi absence de travaux de recherche en comptabilité/contrôle commerciaux, en pointant le paradoxe d'une fonction de plus en plus présente dans les entreprises.

Pierre-Louis Dubois, Professeur à l'Université Paris 2, chercheur au LARGEPA et au CREGO souligne la légitimité de la Vente comme thème de recherche en sciences de gestion, et son intérêt de champ « carrefour » disciplinaire allant de la psychothérapie à la sociologie. Il évoque les différents freins sociologiques qui peuvent ralentir le développement de cette recherche (comme le rapport à l'argent), et met en avant l'importance de l'enracinement de cette recherche dans l'entreprise, ce qui interpelle la faible expérience professionnelle des doctorants et renvoie au statut de la recherche en gestion. Henri Savall Professeur à l'IAE de Lyon, directeur de l'ISEOR insiste sur la « dégradation sémantique » du mot Vente et pose la question de savoir à qui « profite le crime ? », peut être au « don » ? Marc Filser, Professeur à l'IAE de Dijon, chercheur au CERMAB LEG, pose la question du passage de la recherche sur les individus à celle sur les organisations et propose à la vente de savoir travailler sur le rôle de l'acteur mais aussi à la reconceptualisation de la fonction. Aline Scouarnec, Professeure à l'Université du Littoral, pose la question de l'apport des sciences de gestion aux entreprises : la recherche en vente est-elle utile et utilisable ?

Tous s'accordent à mettre en avant l'obligation d'innovation de la recherche, l'enjeu de développer la diversité des doctorants, l'urgence à décloisonner monde professionnel et monde de la recherche en gestion, la Vente étant un bon  analyseur de tous ces phénomènes.

 

31 janvier - Après-midi

L'après midi permet de proposer 4 ateliers de présentation et d'échanges autour de 23 communications organisées autour des thématiques suivantes :

 

- Une relecture de la négociation commerciale car s'il s'agit bien d'un savoir faire mobilisé depuis la nuit des temps et au cœur de la fonction commerciale. Pourtant, la négociation commerciale n'a pas trouvé ses « lettres de noblesse » en temps que « sous champ de recherche ». Les différentes présentations montre l'enjeu de pouvoir densifier cette recherche, car les évolutions qu'elle connait sont sources de performance pour les organisations et de connaissance pour les chercheurs.

 

- La vente face au Click and Mortar, c'est-à-dire toutes les évolutions que connait le métier de vendeur dans le contexte de vente multi canal. Quelles adaptations du métier de vendeur en magasin pour s'adapter aux exigences de clients plus et mieux informés grâce à Internet ? quelle partition entre rôle du vendeur et rôle d'Internet ? quel rôle le personnel de vente joue-t-il dans l'expérience de consommation ? Telles sont les questions abordées dans ces échanges.

 

- Le management des hommes et des femmes, commerciaux, reste un thème central de la recherche en Vente : les questions que posent l'externalisation des forces de vente, le rôle du climat éthique dans l'implication des commerciaux, le problème de l'épuisement professionnel, la gestion des crises, les nouvelles formes de traçabilité des commerciaux, ou encore la gestion des plateaux de carrière sont autant de points abordés dans cet atelier, montrant le renouvellement des thématiques.

 

- Le pilotage de la performance commerciale est un thème émergent traité selon différentes facettes :  les stratégies des directions commerciales face au processus budgétaire, l'approche business case des projets CRM, ou encore les  relations cognitives des contrôleurs de gestion et des managers commerciaux face au management des directions générales.

 

La seconde table ronde réunit des professionnels venus exprimer aux chercheurs les questions qui se posent aux entreprises et sur lesquelles ils aimeraient un accompagnement, des éclairages, des apports de connaissance.

Les secteurs de la Logistique avec Gérard Groffe, DRH de la société STEF TFE, de l'agro alimentaire avec Georges Aublé, directeur du cabinet ATIS Lyon, de l'industrie pharmaceutique avec Marc Frachette, responsable Commercial des Laboratoires JANSSEN CILAG, étaient représentés. Francis Pétel, directeur de l'observatoire de la fonction commerciale aux DCF rappelle tout l'intérêt d'une coopération entre recherche et entreprise. Tous s'accordent sur l'identification de sujets comme : la valorisation de la vente et de ses métiers, la mise en cohérence de la Vente et de ses outils comme le CRM avec la supply chain de l'entreprise, les évolutions obligatoires des systèmes de rémunération et de motivation, l'intégration des PME PMI dans ces recherches.

La journée se termine avec un « forum » autour du programme de recherche sur la Tétranormalisation lancé par l'ISEOR : devant la prolifération des normes auxquelles est soumise maintenant toute organisation, quels jeux d'acteurs? quels risques ? quels enjeux  peut-on observer, analyser, anticiper ? La recherche en Vente ne peut s'exclure de cette réflexion. Tout chercheur ou responsable d'organisation intéressé par ce programme peut contacter l'ISEOR.

Un diner au Restaurant de Fourvière, à côté de la célèbre basilique a permis de prolonger les échanges sur un mode convivial, devant un panorama exceptionnel du Lyon Nocturne.

1er février - Matinée

La journée du 1er Février a accueilli plus de 200 participants venus écouter des témoignages d'experts et de professionnels autour de 4 clés permettant de comprendre les mutations que connait actuellement la fonction commerciale dans les organisations :

La première table ronde pose la question : "Comment équilibrer la relation face aux nouveaux comportements des acheteurs ?", elle est animée par David Lahille, consultant et formateur en achats dans le cabinet Crop and Co dont il est associé. Elle accueille Jean Pierre Bourdin, Responsable des achats hors productions, Biomérieux, Catherine Pardo, professeur de marketing B to B à l'EM Lyon et Philippe Salvi, Responsable du développement grands comptes Rhône Alpes, Veritas

Tous les participants pointent l'évolution immuable du métier d'acheteur et l'enjeu pour le vendeur de savoir être en phase avec ces transformations. L'objectif est de savoir entrer dans l'intimité du client, afin de contribuer à une création de valeur « intégrative ». Le KAM est clairement une fonction correspondant à ces nouvelles attentes, même si le poste n'existe pour le moment que dans les grosses structures.

 

La deuxième table ronde est centrée autour de l'affirmation : « Gérer sa relation client c'est bien, valoriser son capital client c'est mieux » et envisage l'émergence d'une deuxième génération de CRM, du moins dans la manière de se l'approprier.

Cette table ronde est animée par Stéphane Motard Directeur des Systèmes d'Information, Société Aprolis, Groupe Monnoyeur, professeur à l'ISC, elle accueille Jean Bernard Garault , Associé du Cabinet Eurogroup Conseil, Matthieu Duranton, Consultant avant-vente, Access-Commerce, Dominique Fargeton, Directeur Marketing Pièces et Services, Bergerat Monnoyeur et Patrick Laridan, Directeur des Ventes, Aprolis,

Tous montrent que l'outil n'a de sens que dans l'appropriation qu'en fait l'humain, et la façon dont il est piloté. Après une période de forte adhésion, mais aussi de fortes désillusions, le CRM retrouve tout son intérêt, en s'intégrant dans les stratégies actuelles de gestion de la relation client. Les témoignages montrent que les  mises en œuvre ne sont jamais simples car causent de profondes remises en question, mais, bien menées, sont sources de performances tant économiques que relationnelles.

 

La troisième table ronde pose la question de savoir "Comment faire des réseaux la première ressource de la performance commerciale de l'entreprise" Elle est organisée par Philippe Dailey, Président du Conseil de Surveillance de NOAO-AKEO et Yves Chirouze, Professeur de Sciences de Gestion, Université Montpellier 1, CR2M et animée par Isabelle Barth. Nathalie Coppola, Présidente d'Avon France, Jacques Cosnefroy, Délégué Général de la Fédération de la Vente Directe et François Failliot, Directeur Général de Stanhome France filiale du groupe Yves Rocher, apportent leurs analyses et leurs témoignages.

Le secteur de la vente directe emploie 300 000 vendeurs en France et crée 25 millions d'actes de vente par an, il a créé 26 000 emplois en 2006 et progresse de 10 % par an. Il touche à toutes les activités ... et reste profondément méconnu, et particulièrement ignoré de la recherche en gestion.

Les témoignages portent sur les profondes structurations qu'a vecues ce secteur ces dernières années, tout particulièrement dans les domaines de la déontologie, de la professionnalisation et de la formation, de la relation de travail, de l'usage des TIC. Il s'agit véritablement de la troisième voie de la distribution en France, même si la vente directe (au sens de la vente en face à face à domicile) est bien plus développée dans d'autres pays , les USA en tête. Le constat du déficit de connaissance dessine en creux le potentiel de la recherche dans ces domaines.

 

La quatrième et dernière table ronde interroge  la nouvelle donne RH : comment le management commercial peut-il faire face aux nouvelles attentes des commerciaux ?

Elle est animée par Isabelle Barth, y participent Valérie Garcia, responsable du développement de la société COMAREG, François Perotto, Dirigeant Efficorh, INSEEC Business School, Aline Scouarnec, Professeur de Sciences de Gestion à l'Université du Littoral et Jean-François Trichard, DRH Réseau Rhône Alpes Bourgogne Auvergne, BNP Paribas.

Malgré la diversité des regards et des secteurs d'activité, l'accord se fait sur l'urgence de mieux repérer et comprendre les nouvelles attentes des commerciaux, afin de mieux les intégrer dans les stratégies et les propositions des entreprises. L'image et l'attractivité de la vente ne s'améliorent pas et le déficit de jeunes commerciaux sur le marché du travail ne se résorbe pas. Leur engagement est, globalement, de moins en moins fort, ce qui met en cause des dogmes comme le présentéisme, la mobilité, le management aux résultats ... L'évolution des âges pose aussi la question de l'adaptation des styles de management.

Les études prospectives ont beaucoup à apporter pour éclairer le chemin stratégique des entreprises en la matière.

 

Ces deux journées ont permis de bénéficier d'apports très riches et novateurs comme de débattre et d'échanger largement sur un thème si familier à chacun et finalement peu présent au sein de l'Université.

Tous nos remerciements vont aux équipes de l'ISEOR, du service communication et du service apprentissage de l'IAE ainsi qu'aux étudiants du master vente et management Commercial qui ont contribué à l'organisation de ces journées.

Compte rendu rédigé par

Isabelle Barth

Professeur des Universités

IAE de Metz, IAE de Lyon, ISEOR

Coordonatrice des Assises de la Vente.

Les actes

Des actes de la première journée ont été distribués sous forme d'un volume et d'un CD ROM, ils sont disponibles auprès de l'ISEOR : secretariat.general@iseor.com et 04 78 33 09 66).

Le site des Assises de la Vente : http://assises-vente.univ-lyon3.fr/